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ALIMENTATION ANIMALE Un sourcing compliqué à sé curiser

Outre les fortes hausses de tout le panier des matières premières, des vitamines aux céréales en passant par les protéines, les fabricants d'aliments pour animaux doivent aussi sécuriser leur sourcing pour les segments alternatifs.

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Même si septembre a été un peu plus calme, le contexte matières premières 2018 reste haussier. « La hausse importante des cours des matières premières, de janvier à août 2018, se traduit par une augmentation des coûts matières de 16 à 25 % selon les espèces », chiffre Romain Lemarié, de Nutrinoë et Feedsim Avenir. En août, les céréales ont encore connu un renchérissement significatif (+ 15 % en blé, + 12 % en maïs, + 18,5 % en orge). Les appros ont aussi été touchés, dans certaines zones, par d'autres phénomènes. « Cette augmentation vient accentuer l'effet de la grève à la SNCF en Bretagne, avec un blé en hausse de 36 %, par exemple, de janvier à août », illustre Romain Lemarié. Les matières riches en protéines sont également en hausse, avec + 25 % pour le tourteau de colza, + 11 % pour le tourteau de soja, et jusqu'à + 42 % pour le tourteau de tournesol ukrainien.

Début octobre, le ministère de l'Agriculture a donc publié les indices de l'accord d'engagement de prise en compte des variations excessives des prix de l'alimentation animale dans les négociations commerciales. Il montre les fortes progressions pour les porcs comme pour les bovins ou les poulets de chair. La situation de variation excessive des prix des matières premières, qui déclenche l'ouverture de nouvelles négociations commerciales, est constatée lorsque le rapport des indices des prix de production pour la viande de poulet et de l'indice Itavi pour le coût des matières premières se situe à plus de 10 % de la référence 2006-2010. La première alerte a eu lieu en juillet et la toute nouvelle interprofession (qui intègre désormais la grande distribution) a communiqué largement pour inciter les opérateurs à passer des hausses.

Sécheresse pesante

Outre les évolutions des cours, tant des protéines que de la fraction énergie, la France connaît également pour les bovins une récolte de maïs fourrager souvent inférieure en quantité et en qualité aux années précédentes, avec des rapports amidons/cellulose hétérogènes, souvent très en dessous des valeurs habituelles, et donc qui pénalisent la digestibilité. Les éleveurs de bovins, qui ont souffert d'un printemps très pluvieux puis de cette sécheresse, ont dû, très tôt, entamer leurs réserves hivernales. La question pour la fin de l'année reste leur capacité à financer des achats. La décapitalisation est déjà effective dans certaines zones.

En 2017, la part des aliments pour animaux conventionnels représentait 85 %, le non-OGM étant estimé à 13 % et le bio à environ 2 %. La croissance des produits bio dans les rayons des supermarchés se traduit en nutrition animale par une progression continue, dépassant 19 % pour le seul premier semestre 2018.

Plusieurs scénarios sur les tendances de marché

Du côté des aliments non OGM, le basculement des laiteries françaises depuis dix-huit mois, après celui des laiteries allemandes, soutient la demande. Les vaches laitières consomment ainsi désormais près de 40 % du soja non OGM importé en France. Et les fabricants d'aliments déploient toutes les stratégies pour répondre aux cahiers des charges d'une alimentation des animaux sans OGM, à base de tourteau de colza et de coproduits riches en protéines, voire d'acides aminés. Pour Patricia Le Cadre, directrice du Céréopa, qui livrait lors du dernier Space de Rennes les résultats d'une étude sur l'alimentation animale non OGM et bio à horizon 2022, si le marché poursuit sa tendance actuelle, la répartition des parts de marché sera alors de 79 % (conventionnel), 18 % (non OGM) et 3 % (bio). Les experts ont élaboré au total trois scénarios prospectifs très contrastés, le plus en rupture (donc le moins probable) aboutissant à un quadruplement de la demande sous cahier des charges alternatif, ce qui donnerait, toujours pour 2022, une répartition de 39 % en conventionnel, 50 % en non-OGM et 11 % en bio.

Le recours à l'import s'impose encore

« La baisse des importations de soja OGM, entamée depuis de nombreuses années, se poursuit dans les scénarios 2022, à un rythme plus ou moins rapide selon les disponibilités en colza français », estime la spécialiste. Elle pointe l'effet de la réglementation européenne sur les biocarburants. Le jeu des substitutions pourrait toutefois alors augmenter la disponibilité de tourteaux de tournesol Hipro français bien appréciés des formulateurs. Dans les scénarios du Céréopa, une partie du soja OGM serait remplacée par du tourteau de canola, version OGM du colza mais non issue de déforestation, pour les cahiers des charges centrés sur cette thématique. Dans tous les cas, les importations de soja bio restent indispensables. Celles de soja non OGM varient selon les scénarios, la production hexagonale restant en deçà des besoins. Le phénomène pourrait même s'accentuer avec des effets de seuil : une usine gérant la coexistence peut passer tout en non-OGM, si cette fraction prend une part dominante.

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